Le Petit Labo de l'Imaginaire
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 J'ai peur du noir - par Iniourfeïss

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Alchimiste
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Alchimiste


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Date d'inscription : 10/08/2013

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MessageSujet: J'ai peur du noir - par Iniourfeïss   J'ai peur du noir - par Iniourfeïss Icon_minitimeLun 30 Sep - 17:46

***
La peur du Noir
par Iniourfeïss


Le bouton d’enregistrement du magnétophone fut pressé.
***– Je ne sais pas si je vous en ai informé, mais les règlements s’effectuent à chaque fin de séance. Allez-y, je vous écoute, monsieur Tonmo.
Enfoncé dans un canapé, le grand homme donnait l’impression d’être un gorille. Sa peau noire ne l’avait pas aidé. Imposant, bouche avancée et le front large, cet homme ne pouvait pas éviter les remarques racistes. Et la psychologue qui s’occuperait de lui l’avait soupçonné d’être là pour cette raison.
***– On me jugerait psychopathe, alors que je suis un champion.
La spécialiste n’exprima aucune stupeur, comme si elle était habituée aux cas de ce genre ou si elle ne voulait montrer aucune défaillance.
***– Pourquoi dîtes-vous cela ?
***– Car c’est la vérité. Avec une aiguille à tricoter, je retire les yeux de mes victimes. Mais attention ! Je n’attaque pas n’importe qui, je ne m’en prends qu’aux racistes.
***– Mm… Très bien, conclut la psy sur la partie psychopathe, comme si de rien n’était. Votre regard semble être sans cible. Etes-vous aveugle ?
***– En effet, en plus de mon physique provocateur, ma faiblesse visuelle m’aide à attirer les racistes. C’est arrivé quand j’étais jeune. Maladie des yeux. Ainsi, j’avais déjà connu le monde éclairé, la lumière, les couleurs, la distinction visuelle de chaque chose. Quand on a connu la vue, et que l’on se retrouve plongé dans le noir, on est terrifié. On a peur sans arrêt, surtout lorsqu’on se réveille, car on ouvre les yeux, et là, c’est pareil, noir et noir. C’est terrible.
***– Je vois.
***– Oui, vous voyez, vous avez de la chance.
***– Je comprends, je veux dire, se rattrapa la malhabile.
***– J’avais saisi. Vous croyez en dieu, madame ? Mademoiselle ?
***– Non. Mademoiselle.
***– Vous répondez donc dans l’ordre. Vous le faites pour rester logique ou parce que je ne vous plais pas ? Mais ne me répondez pas, il s’agit de ma thérapie.
La psychologue regarda l’homme d’un air presque amusé. Son aplomb le rendait intriguant.
***– Où en étais-je ?
Alors qu’elle allait lui en informer, il la coupa dans son élan.
***– Ah, oui ! Moi, je crois en Dieu. Pourquoi ai-je eu cette maladie rendant ma cécité inévitable, infligée dès ma naissance ? Dieu nous crée tous, et il ne m’a pas promis de sainte destinée, il la réserve à d’autres. Il a fait de moi l’un de ses champions. Il aurait pu me rendre aveugle dès la naissance, mais non, et vous savez pourquoi ? Parce qu’il fallait que je saisisse mon rôle à l’aide de cette disgrâce, et je ne pouvais le deviner qu’en comparant les deux visions. Vous devez-vous demander quel est ce destin, n’est-ce pas ?
***– Oui.
***– Vous n’aviez pas besoin de répondre, il s’agissait d’une question rhétorique.
Un hochement de tête approbateur servit de réponse.
***– Même si j’ai perçu votre mouvement de tête, pourquoi me poser une telle colle énigmatique ? Pourquoi n’avez-vous pas le respect de me répondre oralement ? Seriez-vous raciste ?
Quelque peu déstabilisée, la psychologue tenta un « Non » stoïque, sûre d’elle, mais son patient était aveugle et percevait la moindre défaillance vocale.
***– Ne vous inquiétez pas. Je vous effraie, voilà la nature de votre stress, de votre hésitation. C’est comme le « Est-ce que tu m’aimes ? » qu’on peut vous poser, et que vous hésitez un moment avant de répondre que vous l’aimez. Pourquoi poser une telle question aussi ? On dirait qu’on vous tend un piège… Enfin, ceci n’est pas votre thérapie.
Après un blanc intense de cinq secondes, monsieur Tonmo comprit que son interlocutrice n’osait plus entreprendre quoi que ce soit. Il émit un sourire flatté et reprit :
***– Les racistes sont racistes car en réalité ils craignent les noirs. Ce sentiment est lié à la peur de l‘autre, de sa couleur, de sa culture. En leur ôtant les yeux, je leur procure une réelle raison d’avoir peur du noir.
***– Ainsi, vous vous en prenez uniquement aux racistes des noirs ?
***– En effet. Dieu m’a restreint à cette unique mission.
Habituée aux patients/clients dont l’avalanche d’actes bien plus souvent mauvais que bons est justifiée par une origine étrangère, incontrôlable ou divine, elle lui posa la question qui permettrait de cerner le problème.
***– Pourriez-vous me raconter l’un de vos agissements ?
***– Connaissant le fonctionnement d’un psychologue, votre question a pour but de me cerner, et non la curiosité. Cependant, que cherchez-vous à cerner ? Vous me soupçonnez d’être un mythomane ? Ou pire encore, vous ne croyez pas à mon objectivité dans le jugement d’un raciste, c’est ça ? Et vous voulez entendre le déroulement d’un de mes châtiments pour savoir si je suis réellement victime de racisme, n’est-ce pas ? Mais pour qui vous prenez-vous ? Vous savez, je pourrais vous maîtriser en un instant et vous retirer vos globes sans que vous ne puissiez agir. Je trimballe toujours mon aiguille.
Et avant qu’un blanc de panique ne s’instaure, monsieur Tonmo précisa, pour que cela reste crédible :
***– Mais ne vous inquiétez pas, je plaisante. De plus, je n’ai pas été victime de racisme. Alors si je vous arrachais les yeux, vous auriez la certitude que je n’agissais pas objectivement contre le racisme, n’est-ce pas ?
Le sourire plein d’amusement du grand noir glaça le sang du médecin. Elle était beaucoup plus faible que lui, son cabinet était situé chez elle, dans une maison de campagne éloignée du village le plus proche, et son patient s’énervait.
***– Vous avez peur. La température de la salle a augmenté, et je perçois une odeur différente émanant de vous, une odeur dérangeante. Faites attention, le racisme naît de la peur, ajouta-t-il d’un air de plus en plus narquois.
***– Vous avez raison, je suis effrayée par vous. Mais n’ayez crainte, je ne développerai aucun racisme. La séance arrive bientôt à sa fin, puis-je vous demander quelque chose ?
***– Allez-y, je vous en prie.
***– Pour quelle raison êtes-vous venu me voir ?
***– C’est simple. Je suis venu me confier. Digérer l’information que Dieu m’a créé pour être son champion qui ouvre – au sens figuré, bien sûr – les yeux des racistes n’est pas donné à tout le monde. A qui pourrais-je le confier ? Les psychologues font partie des rares personnes qui peuvent me comprendre. Mais j’ai l’impression que vous ne le pouvez pas, et pourtant vous avez bonne réputation. Peut-être que les seuls patients que vous avez aidés n’étaient pas noirs, et ainsi votre impartialité était totale. J’ai perçu dès le début que vous aviez quelques réticences à traiter un cas dans mon genre. Vous êtes raciste, et j’ai le don de sentir ce genre de caractéristique.
***– Sachez que si je vous ai blessé ou menacé cela n’était que méprise. A aucun moment je n’ai voulu vous attaquer, je ne suis pas raciste. Je ne recherche pas le conflit, et je suis là pour vous aider. Je suis même disposée à vous recevoir d’ici peu pour continuer à vous écouter.
***– Très bien, se calma monsieur Tonmo. Veuillez m’excuser, mais puis-je vous payer lors de la prochaine séance ?
Voulant éviter de nouvelles tensions, la psychologue décida d’acquiescer, mais elle ignorait que :
***– C’est bien ce que je pensais, déclara-t-il en se levant, vous êtes raciste. Ne m’avez-vous pas dit que les règlements s’effectuaient à chaque fin de séance ? La discrimination positive entre dans le domaine du racisme. Vous allez enfin comprendre.
***– Co-comment ?! Que faites-vous ?! Je pense que vous n’êtes pas un champion, lui dit-elle en le regardant du bas de son fauteuil, mais juste un homme qui a peur de ne pas être apprécié…
Avant que sa cible n’ait eu le temps de s’enfuir, il la saisit de son long bras par la gorge et la leva de son siège. Etouffant tout hurlement, il put planter son aiguille à tricoter dans un des yeux de sa victime, et le lui retirer d’un geste brusque sans qu’elle n’émette de son puissant. Il réalisa de même pour l’autre œil, et sentit sa mâchoire s’agiter pour articuler un mot plutôt long, voire une phrase. Il relâcha alors sa prise et entendit, avec la force d’un foudroiement divin :
***– Noire… Je suis moi-même… noire !


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Pour ce tout premier concours, dont le sujet était "J'ai peur du noir", il a été impossible de départager deux membres ! Exceptionnellement, nous avons donc eu deux premiers...
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